Entretien avec Nathalie Baye à l'occasion de la sortie du film "L'Affaire SK1" le 7 janvier
Paris, 1991. Franck Magne, un jeune inspecteur fait ses premiers pas à la Police Judiciaire, 36 quai des Orfèvres, Brigade Criminelle. Sa première enquête porte sur l’assassinat d’une jeune fille. Son travail l’amène à étudier des dossiers similaires qu’il est le seul à connecter ensemble. Il est vite confronté à la réalité du travail d’enquêteur : le manque de moyens, les longs horaires, la bureaucratie… Pendant 8 ans, obsédé par cette enquête, il traquera ce tueur en série auquel personne ne croit. Au fil d’une décennie, les victimes se multiplient. Les pistes se brouillent. Les meurtres sauvages se rapprochent. Franck Magne traque le monstre qui se dessine pour le stopper. Le policier de la Brigade Criminelle devient l’architecte de l’enquête la plus complexe et la plus vaste qu’ait jamais connu la police judiciaire française. Il va croiser la route de Frédérique Pons, une avocate passionnée, décidée à comprendre le destin de l’homme qui se cache derrière cet assassin sans pitié. Une plongée au cœur de 10 ans d’enquête, au milieu de policiers opiniâtres, de juges déterminés, de policiers scientifiques consciencieux, d’avocats ardents qui, tous, resteront marqués par cette affaire devenue retentissante : « l’affaire Guy Georges, le tueur de l’est parisien ».
Qu'est-ce qui vous a intéressée dans le projet ?
Nathalie Baye : D'abord, la présence de Frédéric Tellier au générique. En effet, j'avais déjà tourné sous sa direction pour la série Les Hommes de l'Ombre. J'ai tout de suite apprécié son exigence et son travail avec les acteurs : il connaît bien les comédiens et il a cette manière de les emmener là où il veut avec tact et finesse. Il m'a alors parlé de ce projet de long métrage, en me disant qu'il y avait un rôle d'avocate qu'il aimerait me confier. C'était encore abstrait : je connaissais l'affaire Guy Georges, mais j'ignorais le parcours de Frédérique Pons. Jusqu'au jour où Frédéric m'a envoyé le scénario.
Qu'avez-vous ressenti dans la salle de prétoire ?
Nathalie Baye : Je me suis dit qu'il y avait dû y avoir des drames terribles dans cette salle : d'ailleurs, il s'en dégage une atmosphère solennelle et très impressionnante. Frédéric m'avait emmenée une première fois au Palais de Justice pour me familiariser avec les lieux. Au moment de tourner et de jouer, on est très concentré sur le rôle et on en oublie la dimension théâtrale. Du coup, j'ai moi-même essayé de faire abstraction des lieux, tout comme Frédérique Pons.
Comment Frédéric Tellier dirige-t-il ses comédiens ?
Nathalie Baye : Il sait ce qu'il veut, mais aussi ce qu'il ne veut pas. Et en même temps, il n'est pas obtus : si un acteur lui propose quelque chose de différent de ce qu'il imaginait, et qui le touche, il l'accepte. Il connaît très bien les acteurs. En voyant le film, j'ai trouvé que l'ensemble des comédiens, et des seconds rôles – jusqu'aux témoins – étaient excellents. Frédéric sait parler aux acteurs, avec beaucoup de douceur, il est très encourageant et il réussit à vous emmener plus loin. C'est son grand point fort.
Vous aviez envie de tourner dans un polar ?
Nathalie Baye : En général, ce n'est pas le genre de projet auquel on m'associe spontanément. Mais le personnage de Frédérique Pons m'a intéressée et j'ai beaucoup aimé cette femme quand je l'ai vue : cela a été une rencontre intéressante. Et par fidélité à Frédéric, qui est d'une grande honnêteté dans son travail, j'y suis allée avec plaisir. Au départ, j'étais assez inquiète par le mélange des deux points de vue du flic et de l'avocate. Mais en voyant le film, je me suis rendu compte que mes craintes étaient infondées.
Quelle est votre perception du personnage ?
Nathalie Baye : Elle est sincère dans sa démarche et, dans le même temps, elle perçoit et ressent les choses de manière plus intense que son confrère qui me semble plus aveuglé par la cause.
À votre avis, pourquoi accepte-t-elle de défendre Guy Georges ?
Nathalie Baye : Il y a cette très belle phrase que prononce Frédérique Pons – une des raisons qui m'ont convaincue de faire le film – "je traque l'homme derrière le monstre". C'est pour moi la clé
du personnage : ce que je me suis raconté pour l'interpréter, c'est qu'il y a d'abord chez elle l'amour de son métier qui prime sur le reste. Je suis moi-même amie avec un grand avocat pénaliste qui me dit souvent qu'il y a des similitudes entre sa profession et la mienne : c'est un métier qu'on fait par passion. Et là, il y avait un enjeu : c'est une défense passionnante qui représente un défi excitant. Et je crois qu'il y a quelque chose de cet ordre dans ses motivations. Car derrière l'horreur qu'incarne Guy Georges, il y a un passé, un homme dévasté, un malade.
Est-ce plus difficile d'interpréter un personnage réel, toujours en vie ?
Nathalie Baye : Quand on m'a proposée de rencontrer Frédérique Pons, ma curiosité a été piquée parce que je trouvais qu'elle s'était engagée dans une aventure peu banale. Je l'ai donc rencontrée et ensuite, j'ai tâché d'oublier ce qu'elle avait fait. Car il s'agit avant tout d'un film de cinéma : même si le film est très sincère et proche de la réalité, il reste un espace entre la réalité et la fiction : on condense dix ou douze ans en 2h. Je n'ai donc pas essayé de retrouver des gestes ou des mimiques pour ressembler à Frédérique Pons. Pour autant, quand Frédéric Tellier a écrit le scénario, il s'est beaucoup inspiré d'elle : il y a donc une part du personnage proche d'elle et une part d'interprétation personnelle.
Comment s'est déroulée votre rencontre avec Frédérique Pons ?
Nathalie Baye : On a passé une soirée ensemble et lors de ce dîner, très informel, on a eu une conversation à bâtons rompus. Je lui ai posé plein de questions, et je me suis laissé guider par ce qu'elle dégageait. Les deux avocats de Guy Georges ont été mariés, et on sent qu'il y a une intimité très grande entre eux. Elle n'hésite d'ailleurs pas à lui faire remarquer qu'il a besoin d'elle car ça l'aide d'avoir une femme à ses côtés pour défendre Guy Georges. Frédérique est quelqu'un d'authentique, le genre de femme qui a beaucoup de force, tout en conservant une grande féminité. Contrairement à de nombreuses femmes de pouvoir, elle n'est pas faite que d’autorité et de pouvoir !
Avez-vous ressenti le besoin de vous documenter ?
Nathalie Baye : Frédéric m'a donné beaucoup de matière et m'a montré une ou deux scènes de crime, mais je ne voulais pas en voir davantage car c'est proprement insoutenable. Le personnage était bien dessiné et Frédéric s'est largement rapproché de la réalité. Je n'ai donc pas eu besoin de me plonger dans les images d'archives.
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