La disparition de Régine Deforges ce jeudi 3 avril à l'âge de 78 ans a suscité beaucoup d'émotion, probablement parce qu'au delà de la célébrité de l'auteure et de l'éditrice à succès, elle laisse le souvenir d'une femme courageuse qui n'a pas hésité à s'investir dans de nombreux combats pour revendiquer la liberté des femmes.
Elle née le 15 août 1935 à Montmorillon dans la Vienne et se révéla libertine dès son adolescence. Passionnée d'écriture, à 15 ans elle tenait un journal intime dans lequel elle consignait ses pensées et l'amour qu'elle éprouvait pour une fille de son âge. Cet épisode provoqua un scandale local qui la fît renvoyer de son institution et elle fût contrainte de brûler ses autres cahiers. :« J'ai obéi, jeté dans le poële ce qui me tenait le plus à cœur. Ma vie intime s'envolait en fumée. J'ai décidé que je me vengerais, sans savoir comment » (Cette pénible expérience fût l'inspiration du livre Le Cahier volé.)
Par la suite, sa vie entière fût une revanche sur le passé, ses choix professionnels et amoureux lui apportèrent cette liberté qui lui avait été refusée lorsqu'elle était adolescente. À 18 ans, à Conakry, où son père avait été muté, elle épousa son premier mari, un assureur, qu’elle n'hésita pas à tromper avec des hommes et aussi des femmes. De retour en France, sa passion des livres l'amena à devenir libraire et elle ouvrit plusieurs librairies en province et à Paris. En 1968, sa carrière évolua vers l'édition et après avoir rencontré l'éditeur Jean-Jacques Pauvert qui lui donna sa première fille et pour lequel elle travailla comme représentante, elle décida de créer sa propre maison d'édition "L'Or du temps", devenant ainsi la première femme à créer une maison d'édition.
Le premier livre qu’elle publia fût Le Con d'Irène (sous le titre édulcoré "Irène"), attribué à Louis Aragon, et qui fût saisi 48 heures après sa mise en vente, le 22 mars 1968. Elle sera, par la suite, condamnée pour " outrage aux bonnes mœurs " et privée de ses droits civiques.
Elle publia alors un catalogue de livres écrits par des femmes (Les Femmes avant 1960), s'ensuivit une centaine d’ouvrages (notamment des livres d’Apollinaire, Gautier, Restif de la Bretonne et Mandiargues), dont la plupart firent l’objet d’interdictions diverses et pour certains, de poursuites pour outrage aux bonnes mœurs. Parmi les romans érotiques contemporains, elle publia notamment La Nue, de Michel Bernard. Mais de nombreux procès et de lourdes amendes obligèrent Régine Deforges à déposer son bilan.
En 1981, sur commande de l'éditeur Jean-Pierre Ramsay, elle s'inspira du livre de Margaret Mitchell, le très célèbre Autant en emporte le vent pour écrire son roman La Bicyclette bleue, qui fût un grand succès populaire (plus de dix millions d'exemplaires vendus), mais qui lui valut également quelques démêlés judiciaires avec les héritiers de Margaret Mitchell qui restèrent toutefois sans suite, par contre pas pour le roman, puisque neuf autres volumes s'ajoutèrent au premier.
Elle fût également présidente de la Société des gens de lettres et membre du jury du prix Femina dont elle démissionna en solidarité avec Madeleine Chapsal à la suite de son exclusion.
En 2013, Régine Deforges publia un livre sur ses mémoires : L'enfant du 15 août
Elle y raconta sa vie de femme, mais aussi sa jeunesse à hue et à dia au fond d'une petite ville et
d'une famille traditionnelle qu'elle a voulu fuir à tout prix et sur qui elle se
retourna dans le respect et la tendresse. Régine Deforges ne s'épargna pas dans
ces magnifiques mémoires ; car elle écrivait comme elle vivait, avec un style, du courage et
un grand charme. Un livre à découvrir ici
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